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Studia caracoana
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8 décembre 2009

Dix fragments du Semainier de l'agonie

DIX FRAGMENTS ESPAGNOLS DU SEMAINIER DE L’AGONIE (1963)
d'Albert Caraco
t
raduits par Philippe Billé.

Page 86 (Semaine du 4 au 10 mars) : «Ya no puedo morir…»
Je ne peux plus mourir, et demain il ne restera pas un recoin où il me soit possible de me cacher. Devant mes yeux s’ouvre le chemin qui ne finit jamais et qui emporte tout, je donne jour à mon éternité et je me fais concept, je sors de moi aliéné par moi-même, l’arc brisé, la flèche tirée.

Pages 106-107 (Semaine du 18 au 24 mars) : «Así tiene que ser…»
Voilà ce qui doit être, et de l’Allemagne il ne restera trace. Arrive la guerre, qui vient nous délivrer de la peste et qui répand du sel sur les ruines fumantes. Que s’accomplisse le destin et soit louée la divine providence. Je salue l’ange exterminateur, je baise les mains de la mort et lui offre ma vie et mon œuvre. Je regarde autour de moi et je demande à Dieu que tout disparaisse, sans pitié même pour les nouveaux-nés ni pour ceux qui sont à l’article, et soupirant après une mer de sang, moi le prophète antéchrist. Je ne me moque de rien, pour mieux me moquer du néant.

Page 116 (Semaine du 25 au 31 mars) : «Este país ha de oír…»
Ce pays devra entendre ma voix au milieu du silence de ses penseurs, de la fumée de ses écrivains, de la cendre de ses œuvres et du néant de ses espérances. (…) Ma solitude sonore m’entoure, je suis ce que je suis, et ce que je ne suis je ne le regrette pas, ma vie est la source où boivent mes œuvres.

Page 136 (Semaine du 8 au 14 avril) : «Me siento muy cansado…»
Je me sens bien las, la vertu aussi lasse et lasse le devoir, le fanatisme seul perdure et comble les lacunes, sans fanatisme tout se défait, il y a des moments où le fanatisme sauve tout, et d’autres où il perd tout, je suis prisonnier de mes habitudes et mes habitudes ne me concèdent rien, il ne me reste de remède que la victoire.

Page 167 (Semaine du 22 au 28 avril) : «El ángel exterminador…»
L’ange exterminateur a ouvert le chemin et ce qui fut et ne devait pas être a été, le soleil est arrivé à midi, en un instant la nuit l’a avalé et nous sous sommes réveillés du cauchemar avec les yeux aveugles.

Page 256 (Semaine du 22 au 28 juillet) : «No tiene porvenir…»
La liberté n’a pas d’avenir et peu d’hommes la méritent, ils cherchent la protection mais la protection se paye au septuple et le mieux sont les chaînes qui la procurent, ainsi obtiennent-ils enfin ce qu’ils cherchaient, et arrive le jour funeste où même les rêves se figent.

Page 270 (Semaine du 5 au 11 août) : «Lo que fue ya no es…»
Ce qui fut n’est plus et ce qui reste est médiocrité, les hauteurs se sont écroulées et les profondeurs envahissent tout. La France est finie, la France est un autre pays, la France éternelle est une illusion, en ce monde l’éternité doit se reconquérir chaque jour, celui qui cherche le repos trouve la mort, l’univers est plein de pays morts et les défunts qui les peuplent ne le savent pas, ils sont morts et continuent à crier et à simuler. Ainsi passent les choses, ainsi passèrent-elles, ainsi passeront-elles.

Page 274 (Semaine du 12 au 18 août) : «Ven, dulce muerte…»
Viens, douce mort, je t’attends avec impatience au milieu de cette humanité canine! Le dégoût m’envahit et sans tes ailes où aboutirai-je?

Page 276 (la même semaine) : «La sombra anda…»
L’ombre suit le corps, le catholique est une ombre qui pour vivre a besoin de sang, le sang juif rien de moins, mais le monde où nous vivons n’a pas besoin des catholiques, bien au contraire. »

Page 287 ( ) : «Queridos europeos,…»
Chers Européens, seigneurs magnifiques, le temps ne revient pas mais se perd bel et bien, vous saviez raisonner, vous l’avez désappris, maintenant les hommes de couleur raisonnent tandis que vous priez, prier est peu de chose et ne sert pas beaucoup, les sots perdent leurs droits, la foi ne sauve pas ceux qui ont peu de jugeote, leurs pèlerinages ne résolvent rien, avaler des sacrements ne vaut pas plus que mâcher de la gomme, leur avenir gît sous leurs pieds, leur honneur est flottant et s’évapore dans les nuages. (…)

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[Lettre documentaire 474, du 8 XII 2009]

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